Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Politique Quantique & Poésie Intemporelle.over-blog.com

poésie, politique, porcherie, pommade, polémique

Un groupe punk

On était vendredi soir et avec Paulot, Alex et René, on avait décidé de terminer la semaine pépère en allant boire une bière ou deux au bistrot du coin en tapant le carton. On s’est fait quelques belotes et puis on a picolé et Paulot nous a fait essayer une petite pilule qu’on ne savait pas ce que c’était mais qui a fait qu’on n’a pas eu envie de rentrer chez nous. On était toujours en bleu de travail et chaussures de sécurité quand on a décidé d’aller voir ce qui se passait en face, dans la salle communale où, depuis une bonne heure, on avait vu quelques personnes entrer.

 

Placardé sur la porte d’entrée, une affiche annonçait un concert de rockabilly et la salle était effectivement remplie par des mecs en blouson en skaï et bananes et leurs nanas en robes à volants, chaussures plates et socquettes roses. On s’en fichait pas mal et on est allé au bar pour continuer à se bourrer la gueule entre potes. On a bien essuyé quelques regards méprisants au vu de nos tenues mais, aidés par les pilules à Paulot, on s’en tamponnait. Au bar, on en a d’ailleurs repris une chacun avec nos bières et la vie nous semblait vachement belle. Tout aurait d’ailleurs pu s’arrêter là, qu’on en boive un dernier puis que chacun rentre chez soi mais parfois la vie te réserve des surprises.

 

Au bar, un gars en costume cravate discutait avec le barman. Il semblait plutôt énervé et Paulot qui avait l’habitude de fourrer son nez – et ses oreilles – partout lui a demandé ce qui se passait. Pour faire court, le gars était l’organisateur et flippait parce que les musicos qui devaient jouer étaient venu régler leurs instruments et puis étaient partis au resto. Depuis, plus de nouvelles et les gars étaient injoignables. Le public commençait à ronchonner et l’organisateur n’avait pas de solution de remplacement. Paulot à continué à parler avec le type qui l’a entraîné à l’écart et je me suis dit qu’il allait se passer un truc mais je ne voyais pas encore bien quoi. Pas grave, j’avais la tête pleine de dessins psychédéliques aux couleurs pastels qui tournoyaient lentement.

 

Quand Paulot est revenu près de nous, il avait un sourire qui lui coupait la gueule en deux et on s’est tout de suite méfié. On n’avait pas tort d’ailleurs et quand il nous a dit qu’on allait sauver la soirée, j’ai tout de suite voulu me barrer mais l’éléphant bleu avec des dents de vampire bloquait la porte et j’ai senti que ma résistance foutait le camp sans moi. Alors, on a fait comme Paulot nous a dit et, encore à l’heure actuelle, je ne sais pas si nous devons en être contents ou le regretter.

 

On est monté sur la scène et Alex a dû me soutenir parce que j’avais les jambes molles. Paulot a attribué les rôles et j’ai été désigné pour aller à la batterie avec l’argument musical désopilant que j’étais le plus gros et que je manquerais de dynamisme à la guitare. Alex et René se sont engueulés un peu pour les guitares parce qu’il y en avait une à six cordes et une à quatre et qu’aucun des deux ne voulait avoir l’air inférieur à l’autre en jouant avec moins de cordes. Paulot, agacé, a sorti son multitool et a sectionné deux cordes au hasard sur la guitare à six cordes et, du coup, tout le monde était content. Assis sur le bord de la scène, j’ai quand même eu la présence d’esprit de rappeler à Paulot qu’aucun d’entre nous n’avait jamais joué d’un instrument de sa vie mais il m’a répondu que justement c’était ça qui était marrant. Comme l’éléphant jaune avec la tronçonneuse me regardait en souriant, j’ai fermé ma gueule et j’ai monté sur les marches de l’estrade ou se trouvait la batterie pendant que Paulot gueulait « Check, check, check » dans le micro et que l’ingé-son avait l’air surpris.

 

Après m’être juché sur la première marche, j’ai eu une espèce de crise de panique. Je me suis mis à hurler comme un veau que je ne voulais plus monter, ni descendre, qu’il fallait appeler les pompiers et la Gendarmerie Nationale, et aussi ma mère et que l’éléphant s’en aille avec sa trompe en forme de bite. Paulot est intervenu, il m’a fourré quatre nouvelles pilules dans la tronche en me versant une bière avec pour faire passer. J’en ai glavioté une et aussi un peu de bière mais d’un coup, ça a été beaucoup mieux et je suis allé m’asseoir en réclamant moins de retour. Alex se l’est jouée pro et a serré une des clefs de sa guitare un peu trop. C’est ainsi qu’il a pété sa première corde avec un « dzoing » harmonieux. René a testé aussi sa guitare et il a réussi à faire un larsen de quarante secondes avant de s’en rendre compte et d’arrêter sous les cris du public qui l’insultait.

 

L’orga et l’ingé se sont approchés de la scène. Le premier se tordait les mains et de grosses larmes coulaient sur ses joues et j’ai pigé qu’il allait annuler la soirée. Pendant une demi seconde, j’ai trouvé que c’était une bonne nouvelle puis, je me suis dit que merde, maintenant qu’on y était, on allait le faire et puis l’éléphant qui changeait de couleur était toujours là alors, j’ai fait « Un, deux, un deux trois quat’ » dans le micro en tapant comme un sourd au hasard sur la batterie et tout s’est enchaîné rapidement. René a refait un larsen et Alex a pété une deuxième corde, puis une troisième direct et la dernière en voulant encore chipoter au réglage. Je ne sais pas si il connaissait le tapping mais il venait de le réinventer parce qu’il a fait tout le reste du concert comme ça. Paulot a empoigné le micro et a fait « Bleuhaaaaaaaaaa »…

 

Il a attaqué « Le corbeau et le renard » en anglais et ça donnait un truc du genre : « Métle Cowbow suw un awkbleuhaaaaaaaaaa pewché bleuhaaaaaaaaaa ». Quand il ne se souvenait plus il remplaçait par des paroles bibliques, des citations, des trucs bizarres qu’il anglicisait à sa sauce et c’était tellement particulier qu’au bout de trente secondes, la moitié de la salle s’était barrée. Ceux qui restaient étaient médusés, figés comme s’ils venaient d’être mis subitement en présence d’extra-terrestres ou de Dieu. Puis, il y en a un qui a eu l’air d’apprécier – à moins qu’il n’ait voulu montrer qu’il était dans le coup – et il a commencé à sauter et à se tortiller au rythme de la musique ce qui était méritoire vu que du rythme, on ne peut pas vraiment dire qu’il y en avait et de la musique encore moins.

 

Mais ça a fonctionné et d’autres ont suivis. Les gars se sont mis à sauter, à se bousculer et Paulot gueulait « Bleuhaaaaa, bleuhaaaaa » de plus belle. Il a shooté dans le pied du micro sans le vouloir et un gars, au premier rang se l’est pris dans la tronche. Il s’est écroulé en riant, s’est relevé aussi sec avec un crin au front qui pissait le sang, a ramassé le pied, l’a relancé sur son voisin qui l’a évité, l’a repoussé et puis lui a collé un pain dans la gueule. Tout ça en sautant comme des cons et en moulinant avec les poings. C’était une chouette ambiance surtout que tout le monde s’est mis à faire pareil. On ne l’a su qu’après mais il y a quand même eu quatre ambulances.

 

Le premier et unique morceau que nous avons joué a duré dix-huit minutes en tout et pour tout. Paulot, à force de faire ses « Bleuhaaaa bleuhaaaa », avait remué tout ce qui se trouvait à l’intérieur de son bide et quand il y a eu ce fameux « Bleuhaaaa bleuhaaaa » de trop, il a envoyé une énorme gerbe de dégueulis dans le public. Je crois que c’est à cet instant précis que j’ai chié dans mon froc.

 

Les flics sont entrés au même moment et ont mis fin à l’affaire. Et c’est comme ça que nous sommes devenus un groupe punk…

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article